Microciné (2021 - 2024) - Partie 8

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Huitième et dernière partie d’un best-of, un geste un peu vaniteux peut-être, mais nécessaire.

Dans cet ultime épisode, Amandine de la revue Sorociné évoque une image marquante, un point de bascule. Ces derniers jours, elle a raconté, sur Twitter, comment son rapport à la critique a été terni par des rencontres malveillantes qui se sont transformées en harcèlement sexuel et abus de confiance.
Et pourtant, il y a cet étrange écho : dans cet extrait de mai 2022, Amandine parlait du cinéma de la transgression comme d’un sacerdoce, une foi qu’elle porte en elle, envers et contre tout. Cette transgression, on comprend aujourd’hui qu’elle est aussi le sceau de son engagement, une manière d’affirmer que, dans ce chaos, quelque chose de beau persiste.
Le cinéma, la critique, Amandine elle-même : tout cela n’est pas seulement magnifique, c’est vital. Un acte de résistance dans un monde qui s’épuise. À ceux et celles qui ne voient pas cela, à ceux qui la contredisent avec une bêtise assourdissante, il n’y a qu’une réponse : ils ne comprennent rien. Rien.

Plus loin, Frédéric Mercier revient sur 2023, une année de fatigue. Fatigue des films, des mots, des discussions fragmentées. Il pose une question : comment parler cinéma aujourd’hui ? Peut-être, dit-il, dans ces frottements, dans cette fatigue même, réside une autre manière d’écrire le cinéma. Parce qu’à la fin, rien n’est fini : ni le cinéma, ni la critique.
Eugénie Zvonkine, réalisatrice de "Le Sentier des absents, interroge l’intime : comment filmer ce qui colle trop près de nous, de ce que nous vivons ? Faire des images qui effraient ou rebutent ailleurs. C’est là tout le risque du cinéma : affronter ce qui hante et transformer cette peur en une manière de résister, de tenir face au quotidien.
Avec Maurice Darmon, on parle d’Andreï Tarkovski et du pari fou des 202 éditions : publier sept livres-essais sur ses chefs-d’œuvre. Dans Le Sacrifice, Tarkovski filme, en exil, une apocalypse insulaire, entre Est et Ouest, Bach et Vinci, laissant émerger des détails imprévus, des éclats d’un génie fragile.

Enfin, il fallait revenir sur le rendez-vous manqué avec Geneviève Sellier et son livre Le culte de l’auteur – Les dérives du cinéma français. La seule fois, en près de mille émissions, où j’ai dû abandonner ma neutralité pour monter au front. Avec le recul, il aurait fallu plus de temps pour saisir pleinement ce livre. Mais, peut-être, ce moment révèle-t-il une réalité plus inquiétante : une méconnaissance croissante, non seulement du cinéma, mais de son histoire même.

Abdel Raouf Dafri, scénariste et cinéaste, était venu au Club de l'Étoile après la projection de "Snake Eyes" de De Palma. Pendant plus de 90 minutes, il a livré un véritable show, généreux et caustique, où son histoire personnelle croisait son rapport au cinéma. Sa parole, déstabilisante mais authentique, interpelle. Dafri, c’est 10 ans de plus que moi, un type qu’on adore contredire mais qu’on écoute, d’abord, en silence.
Ensuite, il y a eu la fragilité lumineuse de Mustapha Benfodil, écrivain et reporter algérien, qui venait présenter son dernier livre, "Terminus Babel". Benfodil parle des mots comme d’images, il dissèque leur fabrication, leur agencement, jusqu’à ce qu’un mot devienne un monde. Ce sont ses images à lui, et c’est pour cela qu’il était là, sur Microciné.
Puis, place à Nadir Moknèche, cinéaste que je suis depuis 2009. Moknèche, c’est l’évolution d’un regard, d’un rapport à l’Algérie devenu secondaire. Son cinéma a gagné en classicisme, sa violence s’est adoucie, transformée en échanges feutrés avec le monde. Une heure de conversation, et toujours, ces points de suspension.
Je retrouve Thomas Nicodème et Julien Pauriol, des visages familiers de la chaîne "Querelle(s)", autour de "Kid’s Return" de Takeshi Kitano. Ce film, notre étendard à l’époque de la fac, lorsque nous bricolions un fanzine du même nom. Les écouter réfléchir sur cette œuvre, devenue un miroir d’eux-mêmes, boucle la boucle.
Et puis, il y a le temps. Celui qu’a pris Georges Mourier pour diriger, pour la Cinémathèque française, la restauration monumentale de l’"Napoléon" d’Abel Gance. Événement de 2024. Mourier parle avec une précision chirurgicale, rappelant que le cinéma n’est pas qu’une affaire de projection, mais aussi d’objection. Revisiter, c’est juger, lentement mais avec profit.
Enfin, Bernard Eisenschitz ferme le rideau de ce huitième épisode sur une note simple mais essentielle : l’amitié. Il évoque Otar Iosseliani, une figure à protéger, une mémoire à entretenir. L’amitié, ce lien ténu mais tenace, comme fil conducteur de ces 940 émissions.

Bonne année 2025.
Et promis, je reviendrai.
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Films Algériens
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